mercredi 9 mars 2011

Le ''Partimento'' des débuts

''On ne peut découvrir de nouvelles terres sans consentir à perdre de vue le rivage pendant une longue période.''
André Gide.

... expiration... je lève ma tête, c'est le soir à Montréal. L'avion atterrit avec ce vrombissement suivit des crissements de gomme caractéristique. Ça y est... ''tu l'as fait'' me suis-je dit. J'étais déjà entré en mode ultra-sensoriel : tous les stimuli se rendant jusqu'à moi étaient traités, interprétés et stockés. On fait table rase et on agit comme si on était à l'aise. Subterfuge imbécile car avec ma ''p'tite gueule'' de nouveau et mon accent français, les personnes avec lesquelles j'interagissais se doutaient fort bien de mon statut.

Ah, les guichets des douanes... tous les immigrants ont une histoire à raconter sur ce moment délicieux. Il y a quelque chose de fascinant dans ce sentiment de culpabilité que beaucoup éprouvent lorsqu'on présente nos documents aux douaniers visiblement blasés. On regarde derrière soi, les mains suintent un peu, on cherche nos (centaines de) papiers frénétiquement en s'appliquant soigneusement à n'en omettre aucun.
Bref, 2 heures d'attente et 5 minutes de traitement de toute la paperasse accompagné d'un geste de battement de la main. Je suis un peu de la vieille école, mais mes parents m'ont toujours appris à traiter les gens que je croisais comme mes égaux : ce petit geste de cette chère douanière me rappela alors à quel point je me trouve être un mec vachement bien.

Je regarde alors ma montre et bon sang de bonsoir ma contact doit m'attendre à l'entrée de l'aéroport !! Je ne pensais pas que tout ce cirque aux douanes allait me prendre autant de temps. Je cherche alors le visage et la corpulence de ma contact Jenny qui a gentiment accepté de venir me conduire de l'aéroport à mon auberge de jeunesse en plein cœur de Montréal.
Ce qu'il faut savoir ici c'est que Jenny est une délicieuse jeune femme avec qui je ''tchattais'' depuis 3 semaines sur internet, et elle m'a proposé de me dépanner à mon arrivée au pays... quelle belle preuve de bonté.
Je ne la trouve pas, pourtant les photos que nous nous sommes échangés ne portaient aucunement à confusion... je l'appelle depuis mon portable français (à quelque chose comme 1 euro la minute à l'époque), elle décroche et me dit qu'elle sera en retard mais est en chemin.

Soulagé, je me décide à changer quelques euros et ainsi découvrir la monnaie canadienne, m'y habituer. Je regarde les voyageurs et me délecte d'autant de richesse de la condition humaine, mon côté voyeur un brin créatif m'a poussé à leur coller différentes histoires, en faisant même les dialogues (double monologue ?) intérieurs. J'esquisse un large sourire, cette activité me donne une pause dans ce nouvel environnement, dans cette nouvelle vie que j'entame.

En allant dehors pour me dégourdir un peu les jambes, ne voilà-t-il pas que je tombe sur Jenny qui m'offre un de ses larges sourires et qui vient vers moi les bras grands ouvert !! Surpris par autant de chaleur humaine, je réagis comme un enfant de 4 ans à qui on pince les joues et qui ne sait quoi faire de son corps. Tout se passe très vite, je monte dans la voiture, la mère et l'amie de la mère de Jenny se trouvaient également dans le véhicule, je les salue, surpris de les rencontrer...

Je regarde ma montre... il est passé 23h00, merde, l'auberge de jeunesse est fermée...

mercredi 8 avril 2009

Le "Volti Subito" de la vie

"Voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu."
Extrait de Éloge du repos de Paul Morand

Je me vois encore dans ce siège d'avion en train de faire le vide... comment en arrive-t-on là ? La réponse me semble tellement naturelle à présent... la confiance. La confiance en soi et en la vie. Ça ressemble à de belles paroles de chansons d'un autre temps mais je ne vois pas d'autres raisons.

Durant mon année magnifique dans ce lycée, je me demandais ce qu'il allait advenir de mon futur. Il faut savoir que le "métier" d'assistant d'éducation (le nom politiquement correct de surveillant) a une durée très déterminée : 5 années consécutives. Autant faire une année très professionnelle plutôt que 5 en dilettante me suis-je dis.

Même problématique que ma fin universitaire... dans quelle direction aller après coup ?
Il existe un programme pour les jeunes gens se cherchant, voulant des pâturages plus verts encore... cela s'appelle le PVT : Programme Vacances Travail. Il s'agit d'un visa de travail de six mois ou un an à l'étranger : plus de six pays sont répertoriés à ce jour me semble-t-il. C'était idéal... un voyage initiatique à durée déterminée : le parfait alliage entre le sentiment ancestral de vouloir faire un homme de soi avec les contraintes des temps modernes.

Ma maxime favorite est : "Les grandes décisions prennent de grands sacrifices". Une phrase que je répèterai à longueur de journée lorsque je serai dans l'âge d'or et passablement sénile.

Me voilà donc dans cet aéroport, mes proches desquels je m'éloigne de plus en plus, ils sont tous en larmes, et moi j'ai trop peur pour pleurer...
"Bon sang, qu'est-ce que tu es en train de faire mon Jean-Mi ?" est une question que je me suis posé cent fois. Je m'assieds dans mon siège, à la bonne place, comme un bon soldat car je ne veux aucune complication dans ce voyage, mon niveau de stress inconscient est trop haut.
En y repensant, je me souviens avoir fait le bilan de ma petite vie durant ce vol... comme si j'allais mourir. Aller vers l'inconnu, serait-ce comme appréhender sa propre mort ? Quelle attitude détestable et immature me dis-je à présent mais j'avais certainement eu besoin de ça pour ne pas craquer.

C'est à ce moment précis que je me suis rendu compte que nous avions atterri tout en douceur sur le tarmac de l'aéroport de Montréal, une longue expiration s'en est suivie...

dimanche 29 mars 2009

Rhapsodie circonstancielle

"L'éducation est plus qu'un métier, c'est une mission, qui consiste à aider chaque personne à reconnaître ce qu'elle a d'irremplaçable et d'unique, afin qu'elle grandisse et s'épanouisse."
Feu le Pape Jean-Paul II

Je vais le dire tout de suite, je ne suis vraiment pas un grand fan de Jean-Paul II et des ses amis des hautes instances chrétiennes (ainsi que celles de toutes les autres religions) mais cette phrase résume très habilement cette phase de ma vie.
Ma famille entière est dans l'enseignement, mon père est un instituteur retraité, ma mère enseigne également, quant à ma sœur... elle est prof d'arts appliqués !! Bel environnement... et lorsqu'on en sort pour se mêler à ses amis on se fait entendre dire :"hey tu ferais un super prof !!!" ... délicieusement prévisible...

Il faut savoir qu'à mes heures, je peux être un véritable adolescent en pleine crise existentielle, et lorsque tout le monde va dans un sens, je m'obstine à me diriger dans l'opposé... alors non ! je ne serai jamais professeur !!!

Mais c'est difficile d'échapper à ce qu'on est et lorsque je fus au pied du mur, ma petite amie de l'époque me proposa un dénouement aussi surprenant que révélateur... "Pourquoi on déménagerait pas dans le centre de la France, on se prendrait un appartement et tu serais surveillant ?... "
J'ai appliqué et dans la foulée j'ai été accepté pour une entrevue dans le lycée professionnel et technique de Danton dans la belle bourgade de Brive-La-Gaillarde.


De cet emploi, je pourrai en parler pendant des heures car, s'occuper nuit et jour d'une trentaine d'adolescents en pleine découverte de la vie et de ses délices, amène à engranger des histoires aussi rocambolesques les unes que les autres... Mais je ne dirai que ceci : ce fut l'expérience professionnelle de toute ma vie jusqu'à présent. En un an de "pionnicat" (surveillant), je pense avoir plus grandi qu'en mes quatre années d'université.
C'est sans doute la prise réelle de responsabilité, le fait de garder l'œil et l'esprit vif avec des ptits gars qui, en général de manière plus ou moins consciente, ont besoin de vous et d'un cadre solide.

Ce n'est pas facile, c'est très exigeant, mais je les garde tous dans mon cœur car ils furent le témoignage brut et sincère de l'être humain qui éclos !

Mes collègues furent également à l'origine d'éclats de rire et de mon épanouissement personnel... alors un grand merci à vous aussi !!!

Comme le dit l'adage, "les meilleures choses ont, elles aussi, une fin"... et la fin de l'année scolaire 2005-2006 fut crève cœur. Je laissais tout ceci derrière moi mais ne dit-on pas également que ce qui meurt laisse place à ce qui naît ?...


vendredi 13 mars 2009

Un "lento" introspectif

"Au fond, c'est ça la solitude : s'envelopper dans le cocon de son âme, se faire chrysalide et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours."
Extrait de Seul de August Strindberg

Le mot clef ici n'est pas tant "solitude", il s'agit plutôt de "métamorphose". J'aime ce mot, il est porteur d'inconnu, de nouveauté, de défi et de changement. Nous avons peur du changement, nous n'osons pas l'affronter au risque de perdre quelque chose au passage. Mais là encore, nous passons à côté de multitudes de saveurs de la vie : la philosophie bouddhiste nous apprend qu'à chaque inspiration et expiration, nous sommes une personne différente, nous sommes voués à la métamorphose et nous nous efforçons à la repousser le plus loin possible : douce ironie.

Ce fut mon cas durant mes années estudiantines, je résistais avec une vaillance exemplaire au changement. J'avais passé quatre années dans mon université à Toulouse, le domaine de la Psychologie m'allait bien, confortable, assez rassurant pour apaiser mes angoisses et surtout m'éviter de faire le grand saut de la vie. Mais, comme on dit, "chassez le naturel et il revient au galop", c'est exactement ça qui est arrivé.
À la fin de mes quatre années houleuses en psycho, au pied du mur, je consentis à m'avouer que les études n'étaient pas faites pour moi. Trop de découragements, trop de déceptions, trop d'espoirs (un peu artificiels) réduit à néant, trop de "trop"...

La panique commença alors à s'installer... que faire ? Quelle étrange sensation de se sentir alors prisonnier de soi-même, on met ses mains sur les barreaux et on essait de regarder le plus loin possible, les yeux rivés sur l'horizon...

Heureusement, j'avais à l'époque une petite amie, qui, à force de me sonner les cloches, réussit à me faire sortir de ma torpeur et m'a fait voir un côté de moi, ce côté-là changera mon existence à tout jamais...

vendredi 6 février 2009

La clé de Sol

"Un voyage de mille lieues a commencé par un pas."
Proverbe chinois.

La jeunesse est la mère de l'expérience et lorsqu'on a assez de recul dans sa vision de la vie, les leçons qu'on tire nous semblent couler de source.
Nous voilà dix ans dans le passé, l'intensité est à son comble, Thomas et moi avons "recruté" deux autres complices pour mettre en œuvre ce qui allait être un des meilleur souvenir de toute ma jeune vie : nous allions créer un spectacle.

Cette fameuse graine implantée par notre professeur de musique grandit plus vite qu'un bambou mutant et nous nous prîmes d'une furieuse passion pour l'art du spectacle de divertissement.
Par où commencer ? Qu'allons-nous faire précisément ? Avec quels moyens ? Nous étions réellement au pied d'une immense montagne...
Il faut trouver un nom ! Après un légère réflexion, notre choix s'est porté sur... (roulements de tambours)... "Les Mystifieurs" !!! ... J'avoue que le nom ne brille pas vraiment par son originalité et sa force d'attraction mais je l'assume et en est même très fier car à l'époque, aucun autre terme ne nous aurait mieux décrit.

Maintenant, le contenu... Nous partagions tous une grande admiration et des moments d'intenses hilarités pour le collectif des Inconnus. Ces trois gaillards étaient fendards et leur humour parfois très caustique était d'une redoutable efficacité. Soit ! Reprenons leurs sketchs et mettons les à notre sauce, avec notre griffe. Et puis, pour pas non plus se perdre dans le plagiat total, nous allons en inventer des sketchs et puis à la toute fin... nous allons improviser...

En écrivant cette dernière phrase, c'est comme une révélation... rendez vous compte que l'on a fait place, avec ce dernier sketch de notre spectacle, à une discipline totalement inconnue... discipline qui, en ce moment même, change ma vie.

Neuf mois d'écriture et de répétitions intenses aboutirent à ce show qui nous firent passer de l'ombre rassurante du quotidien aux feux grisants de la rampe...

Le succès fut total et même au-delà de nos espérances car nous nous vîmes nous faire proposer un "mini-contrat" pour jouer dans une autre petite ville, avec une rémunération à la clef !
Mon Dieu, je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles mais tout cela nous confortait dans notre idée que si nous étions né pour quelque chose, ça aurait définitivement ce visage-là.

lundi 2 février 2009

Premier Adagio

"Le bonheur, ce n'est pas une note séparée, c'est la joie que deux notes ont à rebondir l'une contre l'autre."
Christian Bobin.

L'interaction, le ping-pong verbal, une véritable confiserie pour l'esprit. C'est le lit de la créativité. L'art de pouvoir jouer, d'entrer et de sortir de l'univers de l'autre et de partager le nôtre. Il s'agissait de tout cela lorsque Thomas et moi nous faisions route ensemble.
En classe, nous étions connus pour étonner et amuser la galerie par le biais de nos traits d'esprit. C'est ce qui nous donnait bonne presse auprès de nos professeurs et excusait nos performances scolaires parfois chancelantes...

Nos premières envolées d'improvisateurs improvisés furent devant une assistance déjà habituée à nos frasques : notre salle de cours. Et ce fût durant un cours de musique que la lumière se fit dans nos petits crânes d'adolescents. Nous avions la chance, à l'époque, de recevoir l'enseignement d'un homme passionné et passionnant répondant au doux nom de monsieur Parmentier. Ce personnage fit sa première apparition devant nous, en début d'année, en précisant que la blague du hachis parmentier, on la lui avait déjà faite depuis belle lurette... inutile de vous préciser que mon camarade et moi furent séduit par cette entrée en matière savoureuse.
Mais je m'éloigne un peu. Donc, nous étions en classe et, comme à notre habitude, nous commentions et prenions un malin plaisir à écorcher un peu les étroites institutions scolaires lors que monsieur Parmentier nous fit la remarque suivante : "vous deux vous êtes pas possibles... pourquoi ne feriez-vous pas un spectacle ?" ...
Cette remarque, qui restera à jamais gravée dans ma mémoire, a changé ma vie. Elle est anodine, presque ironique mais elle a eu l'effet d'un tsunami dans mon esprit.

Suite à cette graine plantée dans ma tête, avec deux autres camarades, nous nous sommes mis à rêver... nous nous sommes construit un projet à la hauteur de cette idée géniale qui nous fût inspirée par ce cher monsieur Parmentier...

La Génèse de l'orchestre

"Toujours, quand l'affection commence, le drame commence."
Extrait de Demain il fera jour de Henry de Montherlant.

Il est toujours drôle de se plonger dans le pourquoi de tel trait, de telle passion dévorante. C'est toujours flou et complexe : tâchons de mettre le doigt dessus.

Beaucoup d'artistes disent qu'ils sont ainsi car au départ, étant très petit, le but ultime était d'attirer l'attention du ou des parents. Par extension, la naissance de l'artiste se fait dans la douleur et/ou l'angoisse de l'abandon et de l'indifférence. C'est amusant tout de même... je me vois encore essayer de prendre un bout de bande magnétique en apparaissant dessus lorsque mon père nous filmaient ma sœur et moi... ne serions-nous finalement qu'une version évoluée et masquée de cet enfant tentant désespérément d'attirer le regard et l'approbation de nos parents ?

Ce qui a encore plus forgé mon être dans ce sens a été clairement mes interactions sociales, mes amis d'enfance qui, pour certains, restent encore très cher à mon cœur.

Impossible pour moi de ne pas partager quelques unes des nombreuses expériences que j'ai vécu avec Thomas, mon meilleur ami, mon frère que je n'ai jamais eu biologiquement parlant, un être extraordinaire.
Depuis l'âge de quatre ans, nous nous sommes co-construit durant toutes les épreuves et les bouleversements que sont l'enfance, l'adolescence et le passage à l'âge adulte. On s'est vu grandir, mûrir, pleurer, exulter, rire et on a beaucoup partagé.
Ce pour quoi on est très fort, c'est la franche déconnade. Attention, le mot "déconnade" a été choisi et pesé de manière savante car le terme désigne la grosse plaisanterie sans être trop légère et encore moins trop impertinente. Ce sont des drôleries qui visent l'intérêt de tous, c'est-à-dire le bonheur dans son habit de simplicité.
Tout cela ressemble à une déclaration d'amour mais il s'agit plus précisément... disons d'une déclaration d'amitié et de franche camaraderie !
Rendez-vous à la rubrique suivante pour savoir comment mon amour pour l'impro a connu ses premières envolées...